Cahiers d’Emmaus (8) 2011
Charte mondiale des migrants
17 février 2011
Charte proclamée à Gorée (Sénégal) le 4 Février 2011
http://www.cimade.org/nouvelles/3097-Charte-mondiale-des-migrants-
… Les personnes migrantes doivent avoir le droit de parler et de partager leur langue maternelle, de développer et faire connaître leurs cultures et leurs coutumes traditionnelles, à l’exception de toute atteinte à l’intégrité physique et morale des personnes et dans le respect des droits humains. Les personnes migrantes doivent avoir le droit de pratiquer leurs religions et leurs cultes…
Salut Patrick,
ça a été un peu compliqué de réussir à se voir tranquille ces derniers temps et j'en suis fort désolé. Mon quotidien est bien dense avec des choses pas toujours excitantes même si le projet Khiasma porte quand même progressivement ses beaux fruits. Nous avons eu un temps de travail sur l'année 2011 avec Roselyne cette semaine pour voir comment agencer l'ensemble des choses que nous avons, les organiser et évidemment les financer.
Je suis un peu embêté avec l'option que nous avons prise pour la fin juin pour montrer ton projet. Je trouve le moment pas super et de plus on est un peu court pour trouver quelques financements qui nous manquent cruellement !J'aimerais que nous ayons un beau plateau d'invités, une belle proposition artistique et là c'est hyper serré dans les faits.De plus, ce projet vient un peu isolé en fin de saison, je sais pas mais je trouve ça dommage !
A l'automne, nous travaillons tout un cycle "Les Empires Intérieurs" autour de la question de la société hantée par le fantôme colonial et nous invitons des artistes,commissaires, chercheurs, penseurs, citoyens à faire des proposition autour de la présence de ce fantôme, de cet invisible. On sera en plein campagne électoral et je crois que "des-integrations" trouvera vraiment sa place et sa résonance dans ce cadre-ci.
Donc j'aimerais qu'on planche sur une date ultérieure en fin d'année (Empires intérieurs c'est d'octobre à décembre) pour une installation - colloque mieux préparée et plus ambitieuse. Nous devons engager bientôt des personnes en mission pour travailler sur l'automne et je pense que la présentation de ton projet et surtout l'organisation desrencontres en serait très bénéficiaire.
Dis-moi ce que tu en penses. On peut déjeuner demain midi ensemble aux Lilas si tu veux qu'on en parle
Olivier
Chantier(s) ouvert(s)
Prolongement d’un atelier qui n’en finit pas, où l’on travaille d’arrache pied la langue française en vue de s’en sortir sans sortir. Une affaire de langues et de bouches à travers le filtre de la poésie, de la littérature. Lectures à voix hautes, incertaines qui éructent les mots de Ghérasim Luca, Pavese, Beckett, Laférrière, Baudelaire, Akhmatova.
Les femmes et les hommes qui travaillent dans cet atelier forment un groupe improbable bienveillant où l’amitié naît parfois, autour d’un désir qui devient collectif, toujours vif et non identifiable à ce jour.
A la reprise de l’atelier, après Pâques, j’ai introduit une autre poésie, celle de Anna Akhmatova. Nouvelles perspectives, comment un poème peut ouvrir de nouveaux champs d’expérimentations pour le groupe. D’abord, le nouveau vocabulaire de Akhmatova en français, entraîne à ma grande surprise, une déstabilisation dans le groupe. Nouveaux mots, nouvel agencement, nouvelles images à décrypter, qui révèlent les difficultés de chacun dans son apprentissage du français.
Galina est russophone, je lui donne le soin de lire le poème en russe. Galina est très émue de pouvoir lire ce poème de la grande poétesse russe dans sa langue maternelle. Je lui demande de nous raconter en français qui est Akhmatova, sa vie, ce qu’elle fait avec difficulté, car pour beaucoup la parole en français reste difficile.
Nous lisons ensemble le poème et nous le décortiquons par la suite, sans oublier aucun mot, aucun sens. Je laisse en lecture à Galina le livre en russe et français pour qu’elle l’emmène chez elle et qu’elle prenne le temps de relire Akhmatova qu’elle aime.
S'éveiller tôt le matin
Parce que la joie étouffe,
Et regarder l'eau verte
Par le hublot de la cabine,
Ou sur le pont dans la tempête,
Blottie dans une douce fourrure,
Ecouter battre les machines,
Et ne penser à rien.
Mais attendre la rencontre
Avec celui que j'aime
Sous le sel des embruns, et sous le vent
Rajeunir d'heure en heure.
Juillet 1917. Slepniovo
Avec Guillaume Mahé, nous continuons notre collaboration. Avec la modification du planning à l’AFB cette année en trois sessions, j’ai proposé à Guillaume de pouvoir venir à Radio Campus, trois fois dans l’année à chaque fin de session. Sur la durée, le groupe (avec de nouveaux arrivants en cours d’année) prend ses marques dans le studio. Pour la deuxième session, nous avons mis en place avec Guillaume, un moment où l’on déplace la lecture et les enregistrements vers une tentative d’engager un dialogue en français avec chacun. Les réponses timides aux questions posées par Guillaume éclairent les personnalités, leurs histoires… A reprendre pour la dernière session.
Notre collaboration s’est enrichie d’un nouveau essai radiophonique, (après Baudelaire Babel en 2010, diffusé sur les ondes de Radio campus) Baudelaire Babel2 réalisé par Guillaume.
Pour la dernière session à Radio campus prévue fin juin, je continue les enregistrements de Baudelaire en introduisant un nouveau poème Les Foules, que nous enregistrerons en vietnamien toujours grâce au traducteur Phuong DANG-TRAN, et en Tigrinya par Ghenette Haile MICHAEL.
J’enregistrerais à nouveau deux ou trois poèmes de Ghérasim Luca qui est toujours aussi incroyablement reçu dans l’atelier.
Pour 2011-2012, si par chance l’atelier devait continuer, je ferai une compilation de tous les poèmes enregistrés de Luca à Emmaus et ailleurs, un travail sur Luca qui a débuté en 2005. J’ouvrirai également un nouveau projet : travailler en français et en langues maternelles des poètes étrangers traduits en français.
Cet atelier dure grâce à la détermination et au travail d’une institution sociale, l’atelier formation de base de l’association Emmaus et de sa directrice Rose-Marie Ryan et de son équipe, d’un lieu artistique, l’espace Khiasma et de son directeur Olivier Marboeuf et de son équipe, et d’un artiste, Patrick Fontana, pour inventer, ensemble, on peut le dire après quatre ans, une expérience, toujours fragile, mais certaine, dont l’installation Dés-intégration(s) rendra compte à l’automne 2011 à l’espace Khiasma.
Un passerelle tout au plus, vers une réflexion collective sur ce qui se passe aujourd’hui en France et en Europe concernant les « flux migratoires incontrôlable » qu’on nous promet et dont on devrait avoir peur.
Les prises de sons sont toujours assurés par jean-Baptiste Fave, je le remercie de son engagement avec moi depuis quatre ans, de sa patience et de sa disponibilité.
Avec les voix de :
mesdames ALBA RAMIREZ NIDIA, GALMICHE THI NGA, KACAK RAZIYE, AIZHU ZHENG, LE GAC BARIKISSOU, GREISS ISIS, HAILE MICHAEL GHENETTE, SIMAR PASCALINE, BYKOVA GALINA, GUEYE NDOUBME, KANAGARATNAM NIRANJANA,
messieurs ANTHONY JIM ROBINSON, DIDI AHMAD, JOUILLI BILEL, TOURE AHAMADA, VAN MINH AN, SABOGAL ENTRALGO CAMILO , SAIFUL ISLAM, AHANNAD FAHAD, YILDIZ MEHMET, RAFANELL I ORRA JOSEP, GANIEV ZAFAR, NGOC MINH TU
Merci aux traducteurs : M.Gobalakichenane, Tamoul
Ghenette Haile MICHAEL Tigrinya
Vietnamien Phuong DANG-TRAN
Persan Zafar Ganiev et Semùir et Anouche Azarnouche.
Cahiers d'Emmaüs
jeudi 23 juin 2011
jeudi 4 novembre 2010
Cahiers d'Emmaus 7
Cahiers d’Emmaus (7) 2010-2011
Il n’est pas donné à chacun de prendre un bain de multitude: jouir de la foule est un art ; et celui-là seul peut faire, aux dépens du genre humain, une ribote de vitalité, à qui une fée a insufflé dans son berceau le goût du travestissement et du masque, la haine du domicile et la passion du voyage.
Multitude, solitude: termes égaux et convertibles pour le poète actif et fécond. Qui ne sait pas peupler sa solitude, ne sait pas non plus être seul dans une foule affairée…
Les foules
Charles Baudelaire
Chantiers ouverts
C’est reparti à l’Atelier formation de base d’Emmaus pour la quatrième année.
L’installation de médias mélangés Intégration(s) (www.grenze.org) est programmée pour juin 2011 à l'espace Khiasma, aux lilas (www.khiasma.net )
Bonjour Rose- Marie!!!
Nous sommes très heureux d'apprendre que vous êtes toujours aussi enthousiastes à l'idée d'accueillir Lecture(s) de Bouche(s) à Emmaüs.
Pour nous, c'est l'occasion de penser vraiment un partenariat riche sur le long terme, qui s'ouvre sans cesse à de nouvelles problématiques et à de nouveaux échanges. Cette année, nous aimerions beaucoup approfondir notre collaboration avec l'association L'œil à l'écoute qui a permis aux participants des ateliers leur expérience radiophonique à Radio Campus.
Par ailleurs, le projet de Patrick Fontana s'inscrit à nouveau dans un projet de création artistique qui prend tout son sens dans notre programmation. Entre création sonore et graphique, cette création place cette fois les participants aux ateliers et leur travail autour de la
langue au cœur même de l'œuvre et de son propos.
J'ai mis du temps à vous contacter en cette rentrée sur les chapeaux des roues à Khiasma, vous avez d'ailleurs dû recevoir nos premières dates de la saison auxquelles nous espérons avoir le plaisir de vous voir. Je me tiens cependant à votre entière disposition pour un rendez-vous qui nous permette d'établir les modalités de notre partenariat, aussi bien dans le déroulé de l'atelier, les différentes valorisations que nous pouvons imaginer pour l'Association Emmaüs et pour nous, ainsi que le cadre budgétaire de l'ensemble du projet. Je pense que nous serons d'accord pour que ce rendez-vous soit fixé assez rapidement et je vous propose un
jour de la semaine prochaine.
Bien cordialement, et très bonne journée
--
Roselyne BURGER
Espace Khiasma
Administratrice
Chantiers ouverts
Je propose de lire l’énigme du retour de Dany Laferrière (Prix Medicis 2009) que j'avais fait découvrir l'année dernière à l'atelier. Le texte court et simple touche beaucoup les personnes et est une bonne introduction à la lecture à voix haute.
J’écris le texte sur le tableau. On l’arpente à voix haute. Je mets en place tout de suite une circulation entre les personnes. Les voix, timides, se font entendre pour la première fois.
Je jette, dans une valise, deux ou trois jeans, trois chemises, deux paires de chaussures, quelques sous-vêtements, un tube de dentifrice, deux brosses à dents, une boîte d’aspirine et mon passeport. Un dernier verre d’eau que je bois debout au milieu de la cuisine avant d’éteindre, pour une dernière fois, les lumières.
Je propose ensuite de travailler sur un poème de Ghérasim Luca qui les plonge dans un autre rythme, plus compliqué, où le sens se dérobe. Le travail peut commencer. L'exercice est simple : deux personnes sont assises, dos à dos. L'une à le texte en main et le dit à haute voix, l'autre doit reprendre la phrase juste en l'écoutant. Un exercice qui révèle les difficultés de chacun, pour celui qui lit, la difficulté à se faire comprendre et pour l'autre personne, sa capacité à restituer la phrase.
Outre Luca je vais proposer au groupe de découvrir des textes qui viennent de sortir, et s’essayer à d’autres formes d’écritures contemporaines, tout au long de l’année.
Le partenariat avec Guillaume Mahé de l'association l'oeil à l'écoute, se poursuit, et je lui ai proposé que le groupe découvre plus tôt le studio d’enregistrement de Radio Campus Paris, à la fin du premier round, mardi 30 novembre, avant la longue pose de décembre, puis deux autres fois à chaque coupure.
On enregistrera donc, le poème l'étranger en français et dans les langues maternelles des participants.
J'ai besoin de finaliser les enregistrements de l'étranger en vu de les intégrer dans le patch pure data, qu'on met en place avec Pierre-Yves (Fave) pour l'installation elle-même.
J'organise une séance autour de l'écoute des poèmes déjà enregistrés deux semaines avant.
Cher M.Gobalakichenane
Je me tourne à nouveau vers vous car j'aurais besoin d'une nouvelle traduction d'un poème "les foules", si cela était possible pour vous.
Après des premiers enregistrements où les langues maternelles (dont le Tamoul) des migrants ont résonné en chœur avec le français, je continue ce travail pour 2010-2011 avec un nouveau groupe à Emmaus, et l'exposition sera programmée en juin 2011 à l'espace Khiasma, aux lilas.
Je sais que vous êtes très pris par votre travail mais peut-être aurais vous encore un peu de temps pour cette traduction que je travaillerais pas avant janvier 2011.
Ci-joint ce poème.
Je vous tiens au courant de toute façon et j'espère que nous pourrons nous
rencontrer lors de la présentation de l'exposition.
Bien à vous
Patrick Fontana
De: Gobalakichenane Gobal
Objet: Merci et félicitations
À: fofana@free.fr
Date: Dimanche 24 octobre 2010, 6h17
Cher Mr.Fofana,
Mes félicitations. Je trouve que c'est admirablement lu: est-ce par Jim Robinson, un Anglais ou un Canadien, uniquement d'après la translittération que j'avais donnée? L'accent me semble être celui d'un Tamoul de Sri Lanka!
Par ailleurs, je souhaiterais ajouter cet enregistrement sur un lien de notre site web: www.puduchery.org
Que devrais-je ajouter comme indications (lu par... ou enregistré par...ou réalisé par...)
Cordialement,
M.Gobalakichenane
Il n’est pas donné à chacun de prendre un bain de multitude: jouir de la foule est un art ; et celui-là seul peut faire, aux dépens du genre humain, une ribote de vitalité, à qui une fée a insufflé dans son berceau le goût du travestissement et du masque, la haine du domicile et la passion du voyage.
Multitude, solitude: termes égaux et convertibles pour le poète actif et fécond. Qui ne sait pas peupler sa solitude, ne sait pas non plus être seul dans une foule affairée…
Les foules
Charles Baudelaire
Chantiers ouverts
C’est reparti à l’Atelier formation de base d’Emmaus pour la quatrième année.
L’installation de médias mélangés Intégration(s) (www.grenze.org) est programmée pour juin 2011 à l'espace Khiasma, aux lilas (www.khiasma.net )
Bonjour Rose- Marie!!!
Nous sommes très heureux d'apprendre que vous êtes toujours aussi enthousiastes à l'idée d'accueillir Lecture(s) de Bouche(s) à Emmaüs.
Pour nous, c'est l'occasion de penser vraiment un partenariat riche sur le long terme, qui s'ouvre sans cesse à de nouvelles problématiques et à de nouveaux échanges. Cette année, nous aimerions beaucoup approfondir notre collaboration avec l'association L'œil à l'écoute qui a permis aux participants des ateliers leur expérience radiophonique à Radio Campus.
Par ailleurs, le projet de Patrick Fontana s'inscrit à nouveau dans un projet de création artistique qui prend tout son sens dans notre programmation. Entre création sonore et graphique, cette création place cette fois les participants aux ateliers et leur travail autour de la
langue au cœur même de l'œuvre et de son propos.
J'ai mis du temps à vous contacter en cette rentrée sur les chapeaux des roues à Khiasma, vous avez d'ailleurs dû recevoir nos premières dates de la saison auxquelles nous espérons avoir le plaisir de vous voir. Je me tiens cependant à votre entière disposition pour un rendez-vous qui nous permette d'établir les modalités de notre partenariat, aussi bien dans le déroulé de l'atelier, les différentes valorisations que nous pouvons imaginer pour l'Association Emmaüs et pour nous, ainsi que le cadre budgétaire de l'ensemble du projet. Je pense que nous serons d'accord pour que ce rendez-vous soit fixé assez rapidement et je vous propose un
jour de la semaine prochaine.
Bien cordialement, et très bonne journée
--
Roselyne BURGER
Espace Khiasma
Administratrice
Chantiers ouverts
Je propose de lire l’énigme du retour de Dany Laferrière (Prix Medicis 2009) que j'avais fait découvrir l'année dernière à l'atelier. Le texte court et simple touche beaucoup les personnes et est une bonne introduction à la lecture à voix haute.
J’écris le texte sur le tableau. On l’arpente à voix haute. Je mets en place tout de suite une circulation entre les personnes. Les voix, timides, se font entendre pour la première fois.
Je jette, dans une valise, deux ou trois jeans, trois chemises, deux paires de chaussures, quelques sous-vêtements, un tube de dentifrice, deux brosses à dents, une boîte d’aspirine et mon passeport. Un dernier verre d’eau que je bois debout au milieu de la cuisine avant d’éteindre, pour une dernière fois, les lumières.
Je propose ensuite de travailler sur un poème de Ghérasim Luca qui les plonge dans un autre rythme, plus compliqué, où le sens se dérobe. Le travail peut commencer. L'exercice est simple : deux personnes sont assises, dos à dos. L'une à le texte en main et le dit à haute voix, l'autre doit reprendre la phrase juste en l'écoutant. Un exercice qui révèle les difficultés de chacun, pour celui qui lit, la difficulté à se faire comprendre et pour l'autre personne, sa capacité à restituer la phrase.
Outre Luca je vais proposer au groupe de découvrir des textes qui viennent de sortir, et s’essayer à d’autres formes d’écritures contemporaines, tout au long de l’année.
Le partenariat avec Guillaume Mahé de l'association l'oeil à l'écoute, se poursuit, et je lui ai proposé que le groupe découvre plus tôt le studio d’enregistrement de Radio Campus Paris, à la fin du premier round, mardi 30 novembre, avant la longue pose de décembre, puis deux autres fois à chaque coupure.
On enregistrera donc, le poème l'étranger en français et dans les langues maternelles des participants.
J'ai besoin de finaliser les enregistrements de l'étranger en vu de les intégrer dans le patch pure data, qu'on met en place avec Pierre-Yves (Fave) pour l'installation elle-même.
J'organise une séance autour de l'écoute des poèmes déjà enregistrés deux semaines avant.
Cher M.Gobalakichenane
Je me tourne à nouveau vers vous car j'aurais besoin d'une nouvelle traduction d'un poème "les foules", si cela était possible pour vous.
Après des premiers enregistrements où les langues maternelles (dont le Tamoul) des migrants ont résonné en chœur avec le français, je continue ce travail pour 2010-2011 avec un nouveau groupe à Emmaus, et l'exposition sera programmée en juin 2011 à l'espace Khiasma, aux lilas.
Je sais que vous êtes très pris par votre travail mais peut-être aurais vous encore un peu de temps pour cette traduction que je travaillerais pas avant janvier 2011.
Ci-joint ce poème.
Je vous tiens au courant de toute façon et j'espère que nous pourrons nous
rencontrer lors de la présentation de l'exposition.
Bien à vous
Patrick Fontana
De: Gobalakichenane Gobal
Objet: Merci et félicitations
À: fofana@free.fr
Date: Dimanche 24 octobre 2010, 6h17
Cher Mr.Fofana,
Mes félicitations. Je trouve que c'est admirablement lu: est-ce par Jim Robinson, un Anglais ou un Canadien, uniquement d'après la translittération que j'avais donnée? L'accent me semble être celui d'un Tamoul de Sri Lanka!
Par ailleurs, je souhaiterais ajouter cet enregistrement sur un lien de notre site web: www.puduchery.org
Que devrais-je ajouter comme indications (lu par... ou enregistré par...ou réalisé par...)
Cordialement,
M.Gobalakichenane
vendredi 11 juin 2010
Cahiers d’Emmaus (6)
Chantiers ouvert(s) et fermé(s)
Les enregistrements à Radio Campus se sont déroulés les mardi 4,11 et 18 mai. Radio campus se trouve à deux pas de la place des Vosges.
Nous avons eu un long temps pour les enregistrements, ce qui nous a permis de découvrir et de s’approprier cet outil formidable qu’est la radio avec la complicité et la disponibilité de Guillaume Mahé, membre de l’association l’œil à l’écoute qui nous a permis de travailler dans cette radio.
La découverte d’un outil comme celui là a été plus que bénéfique pour le groupe et pour moi.
Nous avons enregistrés les poèmes de Baudelaire en français et dans les langues maternelles des participants comme prévu en prenant le temps de refaire le mardi suivant les mêmes enregistrements pour que chacun puisse améliorer sa lecture.
J’ai pu enregistrer les éléments qui me serviront par la suite pour l’installation Intégration(s) à l’espace Khiasma printemps 2011.
D’être dans ce studio de radio a permis de faire entendre à tout moment ce qu’on enregistrait avec un rendu sonore adéquat ce qui a été un plus par rapport au dispositif à l’AFB.
D’habitude, l’écoute se fait très peu en définitive et en présence de l’ingénieur du son quand il vient et cette écoute se fait individuellement et au casque
Guillaume a engagé avec le groupe, dans le même temps des enregistrements des poèmes, une discussion enregistrée selon les modalités d’une émission de radio (se présenter, raconter son expérience de vie à Paris…). Cela a donné des moments où les participants ont pu (un peu) se donner d’eux-mêmes.
Nous avons eu la visite de Mathias et de Zaffar qui font partis de l’AFB et qui ont bien voulu travailler sur des traductions du poème de Baudelaire l’étranger en Tchèque pour le premier et en Persan pour le deuxième. Je les en remercie.
Une autre personne a donné un peu de son temps et est venue nous rencontrer : Ghenette Haile Michael que j’avais sollicitée pour une traduction en Tigrinya (une des langues d’Erythrée). Après la défection de la personne à qui cette traduction était destinée, je lui ai demandée si cela lui disait de venir nous rencontrer et enregistrer le poème elle-même. Elle a bien voulu le faire.
La rencontre a été un moment très chaleureux. Elle a lu ce poème en Tigrinya avec talent. Saviez vous que le Tigrinya et le tamoul avaient des sonorités approchantes ? Ghenette a bien voulu avoir également un échange enregistré avec nous sur son pays, l’Erythrée.
Je remercie également Marie-Elisabeth, le référant du groupe à Emmaus qui a donné de son temps pour ces enregistrements et a bien voulu faire son cours à Radio campus, trois mardis de suite.
Guillaume Mahé m’a proposé dans la foulée d’enregistrer une émission en direct pour parler de cet atelier et plus largement du projet d’Intégration(s). Cela s’est passé le samedi 29 mai de 18h à 19h.
L’émission sera bientôt disponible en écoute sur les sites d’Intégration(s) et de Radio Campus.
Pour cette heure en direct, j’étais accompagné d’Olivier Marboeuf et d’un des participants à l’atelier, Camilo. Camilo n’avait pu participé qu’au début de l’atelier, et j’ai été très heureux qu’il vienne malgré après son retour, enregistrer (avant l’émission) le poème l’étranger en français et en espagnol et que nous parlions ensemble de son expérience avec moi.
Notre discussion était entrecoupée d’extraits d’enregistrements à radio campus.
Nous avons repris le chemin de l’atelier à Emmaus pour préparer les portes ouvertes, début juin. J’avais proposé d’ouvrir une séance de l’atelier et de solliciter les personnes présentes à lire à voix haute avec le groupe. Il y avait du monde, le groupe a été formidable et ne s’est pas laissé démonté. Nous avons donc tous lu le poème de Ghérasim Luca « Madeleine » qui devient un « classique » pour cet atelier. Ce qui est comble.
Cette année se finit avec un grand enthousiasme de tous les participants ce qui me touche beaucoup.
Rose-Marie Ryan a envie que notre échange continue, ainsi que l’espace khiasma.
Quand à moi je dois penser à une autre forme à l’atelier pour ne pas figer les choses, pour ne pas être absorbé par l’institution (le temps y contribue, je crois) continuer à produire du désir, poursuivre entre les lignes, à trouver des chemins dérobés et à explorer la poésie de la langue, des langues.
A suivre….
(Extraits)
« je m’appelle Ghenette, je viens de l’Afrique de l’Est, de l’Erythrée précisément, pour ceux qui ne se rappelle pas très bien où se situe l’Erythrée, c’est entre le Soudan, l’Ethiopie et Djibouti. C’est un pays qui est indépendant depuis 91, qui est officiellement reconnu aux Nations-Unis depuis 93. C’est un pays qui a environ 4 millions d’habitants et qui est composé de 9 nationalités et où on parle 9 langues et la langue que j’ai parlé ici est le Tigrinya qui est parlé par un grand nombre de personnes et qui est aussi une langue qui est écrite.
C’est un seul peuple qui a plusieurs couleurs. C’est un pays qui est composé à la fois de chrétiens et de musulmans, à peu près moitié-moitié, qui est composé de plusieurs ethnies, mais qui se définit, qui se reconnaît autour d’une identité qui est celle de l’Erythrée. Et pendant la guerre d’indépendance, notamment, c’est ce qui a formé et consolidé l’idée de l’identité érythréenne, c’est cette pluralité, existante, mais il y avait toujours eu quelque chose qui a uni les gens autour de cette entité qui s’appelle l’Erythrée.
Moi, j’ai une histoire un peu particulière car je suis arrivée il y a très très longtemps avec mes parents et je suis donc une seconde génération. Les érythréens, pour la plupart sont arrivés fin des années soixante dix début des années 80 parce que la guerre était extrêmement forte à ce moment là. Il n'y ’a pas un très grand nombre d’Erythréens en France mais partout dans le reste du monde, en Europe, aux Etats-Unis et au Moyen-Orient. Vous avez beaucoup, beaucoup d’érythréens qui ont fui la guerre et qui sont établis depuis plus de 25 ans maintenant.
Je retourne pratiquement tous les deux ans en Erythrée depuis l’Indépendance, ça veut dire que pendant des années on n’a pas pu retourner tant que la situation ne le permettait pas. Le premier changement c’est ça, quand on est exilé et qu’on vit ailleurs, c’est qu’on a pas la possibilité pendant des années de voir le reste de la famille. Donc la première fois, une grande partie de ma famille, je l’ai connue à partir de l’Indépendance. C’est un changement… c’est indescriptible.
Ici, on est dans le confort, on a des atouts qui sont si considérables mais il y a quelque chose que rien ne peut remplacer : c’est le reste de la famille. C’est la famille au grand complet, le grand nombre. C’est ce qui manque.
On a des amis, on a des gens qui sont formidables mais malheureusement c’est quelque chose qu’on ne peut pas remplacer et c’est peut-être ce qui manque quand on est exilé, quelque soit la manière dont on est exilé, on peut être dans le grand confort ici, on pourra jamais le remplacer. Ce que je retrouve, ce que j’aime quand je retourne là-bas, c’est ça. Et d’être un enfant du pays.
D’abord, d’être anonyme, d’être comme tout le monde, ça c’est quelque chose qu’on apprécie aussi quoique ce ne soit pas trop difficile d’être en France et de s’immiscer dans la société française, il faut pas exagérer, c’est pas trop difficile, on se sent pas trop étranger non plus. Mais là-bas, vous êtes comme tout le monde, personne ne vous regarde plus particulièrement parce que vous ressemblez à tout le monde.
Et puis parmi les choses qui vous manquent, il y a toute une activité peut-être intellectuelle, peut-être, la manière de trouver une nourriture intellectuelle au niveau des livres, des films, des choses qu’on peut trouver très facilement ici, là-bas c’est le parcours du combattant, trouver le livre que vous voulez, ça devient très difficile.
Le meilleur moyen d’apprendre une langue c’est la maison. C’est parce que mes parents parlaient et qu’autour de moi j’entendais… Je crois que la langue, elle commence par l’oreille, par l’écoute. En écoutant, on se fait tout un vocabulaire. Des fois, je m’étonne, car il y a des mots que je n’ai jamais utilisés qui m’arrivent parce que je fais des traductions et ça ressort. J’essaye de me rappeler dans quelles circonstances où j’ai pu trouver ce mot, en fait c’est parce que mes parents parlaient, ou eux parlaient à d’autres, des amis, des voisins, la famille. Il y a tout un dictionnaire qui se fait dans le disque dur de la mémoire qui est justement la langue maternelle.
Je me rends compte maintenant que je connais plusieurs langues, que j’ai un nombre de vocabulaire beaucoup plus important bien que j’aie passé plus de temps à apprendre le français, par exemple. Je peux avoir un vocabulaire extrêmement important alors que je suis restée très très peu de temps et que finalement, si je fais la comparaison, j’ai peut-être plus parlé le français que ma langue maternelle. Mais le terreau reste parce que je crois qu’il a été pris juste quand il était en friche, juste au début. C’est très important, on l’acquiert, y’a pas de raison, sauf exception, je crois que quand on a appris une langue maternelle, elle reste. Et on peut parler. On a peut-être plus ou moins un bon accent, mais le contenu reste parce qu’on l’a appris à la maison.
…Le pays qui est chrétien et musulman, a plusieurs ethnies mais chaque ethnie ayant sa langue, l’Arabe n’est pas la langue normalement principale. Mais les anglais ont introduit l’Arabe en disant que cela allait faciliter la séparation. Donc ils ont fait comme langue officielle, l’Arabe et le Tigrinya. C’est resté pendant un certain temps. Après l’Indépendance, c’est resté aussi comme langues officielles mais quand on a vu concrètement que c’était pas quelque chose de très facile à administrer. Finalement il y a eu énormément de discussions. On s’est dit pourquoi ces gens qui sont minoritaires dans tel ou tel ethnie, ils n’auraient pas le droit aussi de parler leur langue. Finalement, ils ont fait quelque chose un petit peu particulier : il n’y a pas de langue officielle en tant que tel. Donc, chaque personne qui veut parler une langue, a la possibilité d’utiliser sa propre langue mais vous pouvez trouver facilement et le Tigrinya et l’Arabe toujours écrits. Il y a les journaux, les informations qui sont donnés dans les deux langues parce qu’elles sont écrites mais sinon toutes les autres aussi ont la possibilité de s’exprimer. Officiellement, la Constitution reconnaît toutes les langues du lieu, les langues parlées. »
Les enregistrements à Radio Campus se sont déroulés les mardi 4,11 et 18 mai. Radio campus se trouve à deux pas de la place des Vosges.
Nous avons eu un long temps pour les enregistrements, ce qui nous a permis de découvrir et de s’approprier cet outil formidable qu’est la radio avec la complicité et la disponibilité de Guillaume Mahé, membre de l’association l’œil à l’écoute qui nous a permis de travailler dans cette radio.
La découverte d’un outil comme celui là a été plus que bénéfique pour le groupe et pour moi.
Nous avons enregistrés les poèmes de Baudelaire en français et dans les langues maternelles des participants comme prévu en prenant le temps de refaire le mardi suivant les mêmes enregistrements pour que chacun puisse améliorer sa lecture.
J’ai pu enregistrer les éléments qui me serviront par la suite pour l’installation Intégration(s) à l’espace Khiasma printemps 2011.
D’être dans ce studio de radio a permis de faire entendre à tout moment ce qu’on enregistrait avec un rendu sonore adéquat ce qui a été un plus par rapport au dispositif à l’AFB.
D’habitude, l’écoute se fait très peu en définitive et en présence de l’ingénieur du son quand il vient et cette écoute se fait individuellement et au casque
Guillaume a engagé avec le groupe, dans le même temps des enregistrements des poèmes, une discussion enregistrée selon les modalités d’une émission de radio (se présenter, raconter son expérience de vie à Paris…). Cela a donné des moments où les participants ont pu (un peu) se donner d’eux-mêmes.
Nous avons eu la visite de Mathias et de Zaffar qui font partis de l’AFB et qui ont bien voulu travailler sur des traductions du poème de Baudelaire l’étranger en Tchèque pour le premier et en Persan pour le deuxième. Je les en remercie.
Une autre personne a donné un peu de son temps et est venue nous rencontrer : Ghenette Haile Michael que j’avais sollicitée pour une traduction en Tigrinya (une des langues d’Erythrée). Après la défection de la personne à qui cette traduction était destinée, je lui ai demandée si cela lui disait de venir nous rencontrer et enregistrer le poème elle-même. Elle a bien voulu le faire.
La rencontre a été un moment très chaleureux. Elle a lu ce poème en Tigrinya avec talent. Saviez vous que le Tigrinya et le tamoul avaient des sonorités approchantes ? Ghenette a bien voulu avoir également un échange enregistré avec nous sur son pays, l’Erythrée.
Je remercie également Marie-Elisabeth, le référant du groupe à Emmaus qui a donné de son temps pour ces enregistrements et a bien voulu faire son cours à Radio campus, trois mardis de suite.
Guillaume Mahé m’a proposé dans la foulée d’enregistrer une émission en direct pour parler de cet atelier et plus largement du projet d’Intégration(s). Cela s’est passé le samedi 29 mai de 18h à 19h.
L’émission sera bientôt disponible en écoute sur les sites d’Intégration(s) et de Radio Campus.
Pour cette heure en direct, j’étais accompagné d’Olivier Marboeuf et d’un des participants à l’atelier, Camilo. Camilo n’avait pu participé qu’au début de l’atelier, et j’ai été très heureux qu’il vienne malgré après son retour, enregistrer (avant l’émission) le poème l’étranger en français et en espagnol et que nous parlions ensemble de son expérience avec moi.
Notre discussion était entrecoupée d’extraits d’enregistrements à radio campus.
Nous avons repris le chemin de l’atelier à Emmaus pour préparer les portes ouvertes, début juin. J’avais proposé d’ouvrir une séance de l’atelier et de solliciter les personnes présentes à lire à voix haute avec le groupe. Il y avait du monde, le groupe a été formidable et ne s’est pas laissé démonté. Nous avons donc tous lu le poème de Ghérasim Luca « Madeleine » qui devient un « classique » pour cet atelier. Ce qui est comble.
Cette année se finit avec un grand enthousiasme de tous les participants ce qui me touche beaucoup.
Rose-Marie Ryan a envie que notre échange continue, ainsi que l’espace khiasma.
Quand à moi je dois penser à une autre forme à l’atelier pour ne pas figer les choses, pour ne pas être absorbé par l’institution (le temps y contribue, je crois) continuer à produire du désir, poursuivre entre les lignes, à trouver des chemins dérobés et à explorer la poésie de la langue, des langues.
A suivre….
(Extraits)
« je m’appelle Ghenette, je viens de l’Afrique de l’Est, de l’Erythrée précisément, pour ceux qui ne se rappelle pas très bien où se situe l’Erythrée, c’est entre le Soudan, l’Ethiopie et Djibouti. C’est un pays qui est indépendant depuis 91, qui est officiellement reconnu aux Nations-Unis depuis 93. C’est un pays qui a environ 4 millions d’habitants et qui est composé de 9 nationalités et où on parle 9 langues et la langue que j’ai parlé ici est le Tigrinya qui est parlé par un grand nombre de personnes et qui est aussi une langue qui est écrite.
C’est un seul peuple qui a plusieurs couleurs. C’est un pays qui est composé à la fois de chrétiens et de musulmans, à peu près moitié-moitié, qui est composé de plusieurs ethnies, mais qui se définit, qui se reconnaît autour d’une identité qui est celle de l’Erythrée. Et pendant la guerre d’indépendance, notamment, c’est ce qui a formé et consolidé l’idée de l’identité érythréenne, c’est cette pluralité, existante, mais il y avait toujours eu quelque chose qui a uni les gens autour de cette entité qui s’appelle l’Erythrée.
Moi, j’ai une histoire un peu particulière car je suis arrivée il y a très très longtemps avec mes parents et je suis donc une seconde génération. Les érythréens, pour la plupart sont arrivés fin des années soixante dix début des années 80 parce que la guerre était extrêmement forte à ce moment là. Il n'y ’a pas un très grand nombre d’Erythréens en France mais partout dans le reste du monde, en Europe, aux Etats-Unis et au Moyen-Orient. Vous avez beaucoup, beaucoup d’érythréens qui ont fui la guerre et qui sont établis depuis plus de 25 ans maintenant.
Je retourne pratiquement tous les deux ans en Erythrée depuis l’Indépendance, ça veut dire que pendant des années on n’a pas pu retourner tant que la situation ne le permettait pas. Le premier changement c’est ça, quand on est exilé et qu’on vit ailleurs, c’est qu’on a pas la possibilité pendant des années de voir le reste de la famille. Donc la première fois, une grande partie de ma famille, je l’ai connue à partir de l’Indépendance. C’est un changement… c’est indescriptible.
Ici, on est dans le confort, on a des atouts qui sont si considérables mais il y a quelque chose que rien ne peut remplacer : c’est le reste de la famille. C’est la famille au grand complet, le grand nombre. C’est ce qui manque.
On a des amis, on a des gens qui sont formidables mais malheureusement c’est quelque chose qu’on ne peut pas remplacer et c’est peut-être ce qui manque quand on est exilé, quelque soit la manière dont on est exilé, on peut être dans le grand confort ici, on pourra jamais le remplacer. Ce que je retrouve, ce que j’aime quand je retourne là-bas, c’est ça. Et d’être un enfant du pays.
D’abord, d’être anonyme, d’être comme tout le monde, ça c’est quelque chose qu’on apprécie aussi quoique ce ne soit pas trop difficile d’être en France et de s’immiscer dans la société française, il faut pas exagérer, c’est pas trop difficile, on se sent pas trop étranger non plus. Mais là-bas, vous êtes comme tout le monde, personne ne vous regarde plus particulièrement parce que vous ressemblez à tout le monde.
Et puis parmi les choses qui vous manquent, il y a toute une activité peut-être intellectuelle, peut-être, la manière de trouver une nourriture intellectuelle au niveau des livres, des films, des choses qu’on peut trouver très facilement ici, là-bas c’est le parcours du combattant, trouver le livre que vous voulez, ça devient très difficile.
Le meilleur moyen d’apprendre une langue c’est la maison. C’est parce que mes parents parlaient et qu’autour de moi j’entendais… Je crois que la langue, elle commence par l’oreille, par l’écoute. En écoutant, on se fait tout un vocabulaire. Des fois, je m’étonne, car il y a des mots que je n’ai jamais utilisés qui m’arrivent parce que je fais des traductions et ça ressort. J’essaye de me rappeler dans quelles circonstances où j’ai pu trouver ce mot, en fait c’est parce que mes parents parlaient, ou eux parlaient à d’autres, des amis, des voisins, la famille. Il y a tout un dictionnaire qui se fait dans le disque dur de la mémoire qui est justement la langue maternelle.
Je me rends compte maintenant que je connais plusieurs langues, que j’ai un nombre de vocabulaire beaucoup plus important bien que j’aie passé plus de temps à apprendre le français, par exemple. Je peux avoir un vocabulaire extrêmement important alors que je suis restée très très peu de temps et que finalement, si je fais la comparaison, j’ai peut-être plus parlé le français que ma langue maternelle. Mais le terreau reste parce que je crois qu’il a été pris juste quand il était en friche, juste au début. C’est très important, on l’acquiert, y’a pas de raison, sauf exception, je crois que quand on a appris une langue maternelle, elle reste. Et on peut parler. On a peut-être plus ou moins un bon accent, mais le contenu reste parce qu’on l’a appris à la maison.
…Le pays qui est chrétien et musulman, a plusieurs ethnies mais chaque ethnie ayant sa langue, l’Arabe n’est pas la langue normalement principale. Mais les anglais ont introduit l’Arabe en disant que cela allait faciliter la séparation. Donc ils ont fait comme langue officielle, l’Arabe et le Tigrinya. C’est resté pendant un certain temps. Après l’Indépendance, c’est resté aussi comme langues officielles mais quand on a vu concrètement que c’était pas quelque chose de très facile à administrer. Finalement il y a eu énormément de discussions. On s’est dit pourquoi ces gens qui sont minoritaires dans tel ou tel ethnie, ils n’auraient pas le droit aussi de parler leur langue. Finalement, ils ont fait quelque chose un petit peu particulier : il n’y a pas de langue officielle en tant que tel. Donc, chaque personne qui veut parler une langue, a la possibilité d’utiliser sa propre langue mais vous pouvez trouver facilement et le Tigrinya et l’Arabe toujours écrits. Il y a les journaux, les informations qui sont donnés dans les deux langues parce qu’elles sont écrites mais sinon toutes les autres aussi ont la possibilité de s’exprimer. Officiellement, la Constitution reconnaît toutes les langues du lieu, les langues parlées. »
jeudi 29 avril 2010
Cahier d'Emmaus n°5
Sorciers !
Sorciers
Entendons-nous
Dans les formes concrètes de vie
On se retrouve
Sans lieu
Aucune aspérité matérielle
Tenus ensemble par le frémissement de la lumière
Une rêverie de la liberté distribuée
Une pratique d’irréconciliation avec les mécanismes du pouvoir
Des pratiques insurrectionnelles soutenues
Il faut sortir du travail productif comme fondement,
Dans l’affirmation de la plénitude de l’être contenu
Plus rien de l’ordre
Des gestes d’amitié qui attachent
L’amour existe
Plus (+) de métamorphose,
Plus (+) de veille sur les autres et sur les choses.
Et toujours le silence…
(merci à Josep Raffanell i Orra)
id="BLOGGER_PHOTO_ID_5465490935174865570" border="0" />
Chantiers ouverts :
Nous avons commencé le nouvel horaire le mercredi, séance supplémentaire que j’installe en avril. Cette séance supplémentaire du mercredi est essentielle pour prendre un autre rythme et bien préparer les personnes aux enregistrements en mai.
Nous avons commencé par un cours… de tai chi ( !) donné par une des stagiaires qui le pratique tous les jours aux Buttes Chaumont ! Ce temps inattendu était incroyable car l’ensemble des personnes présentes se sont mises à suivre les mouvements avec une disponibilité déconcertante.
J’en ai profité pour rebondir. La répétition d’une phrase en tai chi et sa précision m’a aidée à faire comprendre pourquoi je tenais tout le temps à rendre de plus en plus précis les sonorités des mots et en particulier dans les poèmes de Baudelaire.
Ensuite, tout le monde a lu le poème l’étranger en même temps dans sa langue maternelle en faisant attention aux autres. L’écoute est prometteuse et le choeur que je recherche commence à apparaître d’une façon simple et évidente !
Travail en binôme pour le poème l’étranger, en français. Une des personnes posant les questions, l’autre y répondant. On a pris le temps de s’arrêter sur les difficultés de chaque personne et de pointer les sonorités qui ne sont toujours pas en place, les mêmes généralement : le J et le G sont terrible, le b à la place de P, le é à la place du i, le x imprononçable, le r avalé ou impossible à sortir, le gne dans montagne impossible à retenir… On a expérimenté la durée et le rythme de la phrase, un décorticage que les personnes semblent apprécier.
Bonjour Patrick,
Après une discussion téléphonique avec Olivier, nous trouvons cohérents de nous engager à nouveau en tant que producteur sur le projet de création Intégration(s), qui fait sens avec tout ce que nous développons actuellement, qui inscrit dans la durée notre collaboration, et permet
d'aborder un niveau de questionnement impossible sur des projets courts.
Voilà, c'est pour le cadre général qui me semblait important de clarifier au plus vite. Après, nous devons envisager ensemble (toi et nous) dans le détail les implications de cette décision, sur les moyens de financement, les modalités de suivi, le processus de création. Je te propose que nous nous voyons le 19/mars matin (sous réserve de confirmation d'Olivier) pour mettre tout à plat ensemble et dessiner le cadre d'une convention (la fameuse)...
A très vite
Roselyne
Chantiers ouverts :
Je reste très fragilisé par la perte d’une partie de la subvention d’Emmaus qui remet en question la durée de mon engagement sur une année et pour la suite. Quand la réalité vient percuter une expérience singulière…
Pourtant, l’expérience de ces trois années commence à faire apparaître d’autres possibilités d’apprentissage de la langue française qui seraient bien de poursuivre, en particulier avec l’usage du chant proprement dit et du corps (cette première expérience avec Mathias en danse était très prometteuse). De chercher une nouvelle souplesse du corps en même temps que la découverte de sonorités nouvelles pour les stagiaires.
De renforcer la poésie.
Une des choses les plus intéressantes qui se passe dans cet atelier, est d’installer la poésie comme un exercice évident pour apprendre la langue française !
Ghérasim Luca est un pilier, sa poésie amène une certaine liberté car il permet en permanence de se détacher du sens ce qui donne aux stagiaires, une sorte de désinhibition face à l’apprentissage de la langue. Cela les rend plus téméraires à expérimenter les sonorités délirantes de Luca.
Pour 2009-2010 auteurs abordés : Baudelaire, Ghérasim Luca, Cesare Pavese, Andrei Tarkovski (Le Sacrifice), Dany Laferrière (L’énigme du retour, prix Medicis 2009), Beckett, Racine, Prévert…
Une chose intéressante qui se produit également cette année, est l’apparition des traductions dans les langues maternelles des participants qui a véritablement fait faire un bond à tout le monde, pas seulement pour le sens du poème rendu compréhensible pour tous, mais par la création d’une sorte d’union dans le groupe, d’une façon de s’intéresser à l’autre –il y a une dizaine de nationalités différentes. Un nouveau rapport s’est installé soudainement entre le français et son apprentissage. Comme si, ayant laissé de la place à la voix « maternelle » la voix « en français » trouvait son chemin petit à petit.
Un élargissement s’est produit.
Faire sonner un mot comme « nuage » dans toutes les langues y compris en français éclaire ce qui se passe au juste dans cet atelier.
Une autre chose est ma persistance à faire venir des personnes dans l’atelier qui crée à chaque fois une autre écoute, un autre regard sur ce qui se passe. Donc n’hésitez pas, il reste quelques séances !
Cette ouverture est nécessaire, en particulier la présence, trop courte, de Jean-Baptiste, l’ingénieur du son. Je souhaiterais amplifier l’utilisation des captations sonores dès le début, de rendre familier le dispositif d’enregistrement plus rapidement et plus souvent.
Le déplacement vers Radio-campus, grâce à Guillaume Mahé, de l’association l’œil à l’écoute est une chance qui se répète après l’expérience à France Culture en 2008.
Pour les stagiaires, pour la qualité des enregistrements, pour les trois jours (mardi 4, 11,18 mai) à passer ensemble, avec les formateurs qui jouent le jeu en venant avec nous pour faire leur cours en même temps.
L’adhésion totale des deux structures qui m’accompagnent, Emmaus et Khiasma est primordiale et explique en partie la durée de cette expérience artistique dans une institution sociale.
Ma présence à l’AFB est devenue, je crois, naturelle, et l’ensemble de l’équipe est vraiment très bienveillante, disponible à mon égard. Une confiance s’est installée et c’est une des clés de la durée de cette expérience artistique au sein de l’institution. La volonté de sa directrice, Rose-Marie Ryan, acceptant mes propositions avec enthousiasme, a été primordiale.
Ma présence à Khiasma questionne également le lien entre un artiste et une structure artistique. Le fait de produire à nouveau le projet Intégration(s), installation de médias mélangés fin 2010, début 2011 à Khiasma, de se battre pour les financements est courageux et politiquement fort.
C’est la mode de l’artiste micro entrepreneur qui passe de structure en structure, de résidences en résidences au gré des subventions. Ce n’est pas mon histoire, j’ai toujours privilégié une sorte de compagnonnage qui crée du sens et du désir. Je revendique cette lenteur qui favorise l’expérience qui est pourtant évidente à y regarder de plus près.
Je préfère ne pas.
Je ne veux pas être contenu, je veux bricoler joyeusement, toujours entre.
Pour préparer la rencontre avec Christophe Bertossi, chercheur, responsable du programme "Migrations, Identités, Citoyenneté", Institut français des relations internationales IFRI.
je vous invite à découvrir les notes dessinées à partir de son livre les frontières de la citoyenneté en Europe (juste l'introduction) sur le lien :
http://fofana.free.fr/travauximproductifs/travauxindex.html
travail en cours.
Bonjour Patrick,
En effet les compositions sont très belles. C'est un travail réussit. J'ai cependant des problèmes pour accéder parfois au texte qui n'apparait pas toujours entier en bas de l'écran.
Après, par rapport au texte. Je suis embêté parce que ici sa fragmentation m'empêche de suivre le discours du gars. Lorsque je lis entre les lignes ce qui me semble être finalement quelque chose comme une certaine valorisation du concept de citoyenneté ("plénière", appariât plusieurs fois comme ce qui est empêché par le régime d'exclusion de l'espace démocratique)... Cela m'embête de ne pas comprendre.
A bientôt,
josep
Cher Patrick Fontana
Merci et bravo pour l'inventivité de chaque dessin et pour leur cohérence d'ensemble. C'est un très beau travail. Et le projet de l'installation promet beaucoup. Je suis impatient de la voir. Merci de me permettre de suivre votre travail. Je ne suis pas toujours là au bon moment mais cela m'intéresse toujours autant.
A bientôt. Amitiés
Jacques Rancière
Salut Patrick;
Toujours aussi ravi de votre travail qui "dénationalise" la langue. On respire, en effet.
A bientôt,
Josep
Cher Patrick,
C'est un plaisir, bien sûr, de participer à votre projet. Surtout traduire Baudelaire, quel honneur !!!
Je vous envoie ci-joint le texte électronique. Pour avoir les accents, je vous envoie le lien pour télécharger le logiciel Unikẹy.
http://www.unikey.org/bdownload.php
Bien à vous,
Phuong DANG-TRAN
traducteur de l’auteur vietnamien Duong Thu Huong, éditions Sabine Wespieser.
--------------------------------------------------------------------------------
Chantiers ouverts :
L’introduction des enregistrements et la présence de Jean-Baptiste l’ingénieur du son est toujours très efficace pour avancer dans l’apprentissage des phonèmes en français.
Le poème l’étranger de Baudelaire devient de plus en plus présent dans les bouches des participants à l’atelier, les bouches commencent à se transformer. Le fait aussi de s’entendre en français est primordial et ce jeu de miroirs avec soi-même dessine un « autre » qui fait rire, inquiète, réconforte.
Après l’interruption d’une semaine pour cause de vacances d’hiver, nous nous lancerons dans l’autre poème de Baudelaire, l’invitation au voyage.
Avec Roselyne, nous venons de rencontrer Guillaume Mahé (de l’association l’œil à l’écoute) qui nous propose une heure d'antenne en direct sur une radio Radio Campus. http://www.radiocampusparis.org
J'ai proposé dans un premier temps d'enregistrer les poèmes dans leur studio puis dans un deuxième temps de réunir les acteurs de ce projets : Rose-Marie Ryan, la directrice de l’Atelier Formation de base d’Emmaus, Olivier Marboeuf directeur de l’espace Khiasma, Roselyne Burger son administratrice, tous les participants à l’atelier (dans la mesure du possible), Emeric Aelters musicien de musique électronique et un chercheur spécialiste des questions de migration et d'intégration Christophe Bertossi (IFRI) avec lequel je voudrais articuler cette rencontre autour de son livre les frontières de la citoyenneté en Europe et connaître son sentiment sur l’introduction d’«une évaluation du degré de connaissance de la langue et des valeurs de la République pour un étranger qui souhaite venir en France », dans la loi Ceseda.
Cette proposition rentre complètement en adéquation avec l’installation sonore et visuelle en préparation - Intégration(s) - qui sera présentée sous la forme d’une installation sonore et visuelle où on pourra entendre les enregistrements des poèmes et visuellement une boucle textuelle se jouera de la langue administrative française extraite de la loi CESEDA relative aux conditions d’entrée et de séjours des étrangers en France en y injectant des vers de Baudelaire.
1 Douze enceintes sont disposés frontalement sur un mur. Chaque source nous fait écouter une voix qui lit un des deux poèmes de Baudelaire. Cette lecture se fait dans les langues maternelles des personnes qui ont travaillées sur ces poèmes.
Sur le sol est disposé 8 bandes composées de dalles isolées pour module analogique qui réagissent en marchant dessus. Visuellement ces bandes créent une distance à parcourir entre les voix qu’on entend et le spectateur.
Plus le spectateur est loin plus la source est inaudible. Le spectateur doit s’approcher de la source pour entendre la voix à un volume normal. Un chœur se révèle.
2 La cloche acoustique est en suspension dans l’espace.
Il faut rentrer la tête pour entendre les poèmes.
La séparation de l’espace est nette, le spectateur se retrouve isolé dans le noir relatif du cube et dans une proximité avec les voix des migrants lisant les poème en français.
Visuellement son corps forme avec la cloche “un corps étranger”.
Cher Monsieur Fofana,
Merci pour cette invitation à contribuer à votre projet qui m’intéresse beaucoup. Je vous donne mon accord de principe mais je devrai vérifier mon emploi du temps au mois de mai (qui est un mois très compliqué à gérer pour moi). Je vous propose que nous nous rappelions à la fin du mois de mars.
Très cordialement,
Christophe Bertossi
LOI n° 2007-1631 du 20 novembre 2007 relative à la maîtrise de l’immigration, à l’intégration et à l’asile- Article 1
Après l’article L. 411-7 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, il est inséré un article L. 411-8 ainsi rédigé : « Art. L. 411-8. - Pour lui permettre de préparer son intégration républicaine dans la société française, le ressortissant étranger âgé de plus de seize ans et de moins de soixante-cinq ans pour lequel le regroupement familial est sollicité bénéficie, dans son pays de résidence, d’une évaluation de son degré de connaissance de la langue et des valeurs de la République. Si cette évaluation en établit le besoin, l’autorité administrative organise à l’intention de l’étranger, dans son pays de résidence, une formation dont la durée ne peut excéder deux mois, au terme de laquelle il fait l’objet d’une nouvelle évaluation de sa connaissance de la langue et des valeurs de la République. La délivrance du visa est subordonnée à la production d’une attestation de suivi de cette formation. Cette attestation est délivrée immédiatement à l’issue de la formation. Un décret en Conseil d’Etat fixe les conditions d’application de ces dispositions, notamment le délai maximum dans lequel l’évaluation et la formation doivent être proposées à compter du dépôt du dossier complet de la demande de regroupement familial, le contenu de l’évaluation et de la formation, le nombre d’heures minimum que la formation doit compter ainsi que les motifs légitimes pour lesquels l’étranger peut en être dispensé. »
Sorciers
Entendons-nous
Dans les formes concrètes de vie
On se retrouve
Sans lieu
Aucune aspérité matérielle
Tenus ensemble par le frémissement de la lumière
Une rêverie de la liberté distribuée
Une pratique d’irréconciliation avec les mécanismes du pouvoir
Des pratiques insurrectionnelles soutenues
Il faut sortir du travail productif comme fondement,
Dans l’affirmation de la plénitude de l’être contenu
Plus rien de l’ordre
Des gestes d’amitié qui attachent
L’amour existe
Plus (+) de métamorphose,
Plus (+) de veille sur les autres et sur les choses.
Et toujours le silence…
(merci à Josep Raffanell i Orra)
id="BLOGGER_PHOTO_ID_5465490935174865570" border="0" />
Chantiers ouverts :
Nous avons commencé le nouvel horaire le mercredi, séance supplémentaire que j’installe en avril. Cette séance supplémentaire du mercredi est essentielle pour prendre un autre rythme et bien préparer les personnes aux enregistrements en mai.
Nous avons commencé par un cours… de tai chi ( !) donné par une des stagiaires qui le pratique tous les jours aux Buttes Chaumont ! Ce temps inattendu était incroyable car l’ensemble des personnes présentes se sont mises à suivre les mouvements avec une disponibilité déconcertante.
J’en ai profité pour rebondir. La répétition d’une phrase en tai chi et sa précision m’a aidée à faire comprendre pourquoi je tenais tout le temps à rendre de plus en plus précis les sonorités des mots et en particulier dans les poèmes de Baudelaire.
Ensuite, tout le monde a lu le poème l’étranger en même temps dans sa langue maternelle en faisant attention aux autres. L’écoute est prometteuse et le choeur que je recherche commence à apparaître d’une façon simple et évidente !
Travail en binôme pour le poème l’étranger, en français. Une des personnes posant les questions, l’autre y répondant. On a pris le temps de s’arrêter sur les difficultés de chaque personne et de pointer les sonorités qui ne sont toujours pas en place, les mêmes généralement : le J et le G sont terrible, le b à la place de P, le é à la place du i, le x imprononçable, le r avalé ou impossible à sortir, le gne dans montagne impossible à retenir… On a expérimenté la durée et le rythme de la phrase, un décorticage que les personnes semblent apprécier.
Bonjour Patrick,
Après une discussion téléphonique avec Olivier, nous trouvons cohérents de nous engager à nouveau en tant que producteur sur le projet de création Intégration(s), qui fait sens avec tout ce que nous développons actuellement, qui inscrit dans la durée notre collaboration, et permet
d'aborder un niveau de questionnement impossible sur des projets courts.
Voilà, c'est pour le cadre général qui me semblait important de clarifier au plus vite. Après, nous devons envisager ensemble (toi et nous) dans le détail les implications de cette décision, sur les moyens de financement, les modalités de suivi, le processus de création. Je te propose que nous nous voyons le 19/mars matin (sous réserve de confirmation d'Olivier) pour mettre tout à plat ensemble et dessiner le cadre d'une convention (la fameuse)...
A très vite
Roselyne
Chantiers ouverts :
Je reste très fragilisé par la perte d’une partie de la subvention d’Emmaus qui remet en question la durée de mon engagement sur une année et pour la suite. Quand la réalité vient percuter une expérience singulière…
Pourtant, l’expérience de ces trois années commence à faire apparaître d’autres possibilités d’apprentissage de la langue française qui seraient bien de poursuivre, en particulier avec l’usage du chant proprement dit et du corps (cette première expérience avec Mathias en danse était très prometteuse). De chercher une nouvelle souplesse du corps en même temps que la découverte de sonorités nouvelles pour les stagiaires.
De renforcer la poésie.
Une des choses les plus intéressantes qui se passe dans cet atelier, est d’installer la poésie comme un exercice évident pour apprendre la langue française !
Ghérasim Luca est un pilier, sa poésie amène une certaine liberté car il permet en permanence de se détacher du sens ce qui donne aux stagiaires, une sorte de désinhibition face à l’apprentissage de la langue. Cela les rend plus téméraires à expérimenter les sonorités délirantes de Luca.
Pour 2009-2010 auteurs abordés : Baudelaire, Ghérasim Luca, Cesare Pavese, Andrei Tarkovski (Le Sacrifice), Dany Laferrière (L’énigme du retour, prix Medicis 2009), Beckett, Racine, Prévert…
Une chose intéressante qui se produit également cette année, est l’apparition des traductions dans les langues maternelles des participants qui a véritablement fait faire un bond à tout le monde, pas seulement pour le sens du poème rendu compréhensible pour tous, mais par la création d’une sorte d’union dans le groupe, d’une façon de s’intéresser à l’autre –il y a une dizaine de nationalités différentes. Un nouveau rapport s’est installé soudainement entre le français et son apprentissage. Comme si, ayant laissé de la place à la voix « maternelle » la voix « en français » trouvait son chemin petit à petit.
Un élargissement s’est produit.
Faire sonner un mot comme « nuage » dans toutes les langues y compris en français éclaire ce qui se passe au juste dans cet atelier.
Une autre chose est ma persistance à faire venir des personnes dans l’atelier qui crée à chaque fois une autre écoute, un autre regard sur ce qui se passe. Donc n’hésitez pas, il reste quelques séances !
Cette ouverture est nécessaire, en particulier la présence, trop courte, de Jean-Baptiste, l’ingénieur du son. Je souhaiterais amplifier l’utilisation des captations sonores dès le début, de rendre familier le dispositif d’enregistrement plus rapidement et plus souvent.
Le déplacement vers Radio-campus, grâce à Guillaume Mahé, de l’association l’œil à l’écoute est une chance qui se répète après l’expérience à France Culture en 2008.
Pour les stagiaires, pour la qualité des enregistrements, pour les trois jours (mardi 4, 11,18 mai) à passer ensemble, avec les formateurs qui jouent le jeu en venant avec nous pour faire leur cours en même temps.
L’adhésion totale des deux structures qui m’accompagnent, Emmaus et Khiasma est primordiale et explique en partie la durée de cette expérience artistique dans une institution sociale.
Ma présence à l’AFB est devenue, je crois, naturelle, et l’ensemble de l’équipe est vraiment très bienveillante, disponible à mon égard. Une confiance s’est installée et c’est une des clés de la durée de cette expérience artistique au sein de l’institution. La volonté de sa directrice, Rose-Marie Ryan, acceptant mes propositions avec enthousiasme, a été primordiale.
Ma présence à Khiasma questionne également le lien entre un artiste et une structure artistique. Le fait de produire à nouveau le projet Intégration(s), installation de médias mélangés fin 2010, début 2011 à Khiasma, de se battre pour les financements est courageux et politiquement fort.
C’est la mode de l’artiste micro entrepreneur qui passe de structure en structure, de résidences en résidences au gré des subventions. Ce n’est pas mon histoire, j’ai toujours privilégié une sorte de compagnonnage qui crée du sens et du désir. Je revendique cette lenteur qui favorise l’expérience qui est pourtant évidente à y regarder de plus près.
Je préfère ne pas.
Je ne veux pas être contenu, je veux bricoler joyeusement, toujours entre.
Pour préparer la rencontre avec Christophe Bertossi, chercheur, responsable du programme "Migrations, Identités, Citoyenneté", Institut français des relations internationales IFRI.
je vous invite à découvrir les notes dessinées à partir de son livre les frontières de la citoyenneté en Europe (juste l'introduction) sur le lien :
http://fofana.free.fr/travauximproductifs/travauxindex.html
travail en cours.
Bonjour Patrick,
En effet les compositions sont très belles. C'est un travail réussit. J'ai cependant des problèmes pour accéder parfois au texte qui n'apparait pas toujours entier en bas de l'écran.
Après, par rapport au texte. Je suis embêté parce que ici sa fragmentation m'empêche de suivre le discours du gars. Lorsque je lis entre les lignes ce qui me semble être finalement quelque chose comme une certaine valorisation du concept de citoyenneté ("plénière", appariât plusieurs fois comme ce qui est empêché par le régime d'exclusion de l'espace démocratique)... Cela m'embête de ne pas comprendre.
A bientôt,
josep
Cher Patrick Fontana
Merci et bravo pour l'inventivité de chaque dessin et pour leur cohérence d'ensemble. C'est un très beau travail. Et le projet de l'installation promet beaucoup. Je suis impatient de la voir. Merci de me permettre de suivre votre travail. Je ne suis pas toujours là au bon moment mais cela m'intéresse toujours autant.
A bientôt. Amitiés
Jacques Rancière
mercredi 27 janvier 2010
Cahier d'Emmaus n°4
Salut Patrick;
Toujours aussi ravi de votre travail qui "dénationalise" la langue. On respire, en effet.
A bientôt,
Josep
Cher Patrick,
C'est un plaisir, bien sûr, de participer à votre projet. Surtout traduire Baudelaire, quel honneur !!!
Je vous envoie ci-joint le texte électronique. Pour avoir les accents, je vous envoie le lien pour télécharger le logiciel Unikẹy.
http://www.unikey.org/bdownload.php
Bien à vous,
Phuong DANG-TRAN
traducteur de l’auteur vietnamien Duong Thu Huong, éditions Sabine Wespieser.
--------------------------------------------------------------------------------
Chantiers ouverts :
L’introduction des enregistrements et la présence de Jean-Baptiste l’ingénieur du son est toujours très efficace pour avancer dans l’apprentissage des phonèmes en français.
Le poème l’étranger de Baudelaire devient de plus en plus présent dans les bouches des participants à l’atelier, les bouches commencent à se transformer. Le fait aussi de s’entendre en français est primordial et ce jeu de miroirs avec soi-même dessine un « autre » qui fait rire, inquiète, réconforte.
Après l’interruption d’une semaine pour cause de vacances d’hiver, nous nous lancerons dans l’autre poème de Baudelaire, l’invitation au voyage.
Avec Roselyne, nous venons de rencontrer Guillaume Mahé (de l’association l’œil à l’écoute) qui nous propose une heure d'antenne en direct sur une radio Radio Campus. http://www.radiocampusparis.org
J'ai proposé dans un premier temps d'enregistrer les poèmes dans leur studio puis dans un deuxième temps de réunir les acteurs de ce projets : Rose-Marie Ryan, la directrice de l’Atelier Formation de base d’Emmaus, Olivier Marboeuf directeur de l’espace Khiasma, Roselyne Burger son administratrice, tous les participants à l’atelier (dans la mesure du possible), Emeric Aelters musicien de musique électronique et un chercheur spécialiste des questions de migration et d'intégration Christophe Bertossi (IFRI) avec lequel je voudrais articuler cette rencontre autour de son livre les frontières de la citoyenneté en Europe et connaître son sentiment sur l’introduction d’«une évaluation du degré de connaissance de la langue et des valeurs de la République pour un étranger qui souhaite venir en France », dans la loi Ceseda.
Cette proposition rentre complètement en adéquation avec l’installation sonore et visuelle en préparation - Intégration(s) - qui sera présentée sous la forme d’une installation sonore et visuelle où on pourra entendre les enregistrements des poèmes et visuellement une boucle textuelle se jouera de la langue administrative française extraite de la loi CESEDA relative aux conditions d’entrée et de séjours des étrangers en France en y injectant des vers de Baudelaire.
1 Douze enceintes sont disposés frontalement sur un mur. Chaque source nous fait écouter une voix qui lit un des deux poèmes de Baudelaire. Cette lecture se fait dans les langues maternelles des personnes qui ont travaillées sur ces poèmes.
Sur le sol est disposé 8 bandes composées de dalles isolées pour module analogique qui réagissent en marchant dessus. Visuellement ces bandes créent une distance à parcourir entre les voix qu’on entend et le spectateur.
Plus le spectateur est loin plus la source est inaudible. Le spectateur doit s’approcher de la source pour entendre la voix à un volume normal. Un chœur se révèle.
2 La cloche acoustique est en suspension dans l’espace.
Il faut rentrer la tête pour entendre les poèmes.
La séparation de l’espace est nette, le spectateur se retrouve isolé dans le noir relatif du cube et dans une proximité avec les voix des migrants lisant les poème en français.
Visuellement son corps forme avec la cloche “un corps étranger”.
Cher Monsieur Fofana,
Merci pour cette invitation à contribuer à votre projet qui m’intéresse beaucoup. Je vous donne mon accord de principe mais je devrai vérifier mon emploi du temps au mois de mai (qui est un mois très compliqué à gérer pour moi). Je vous propose que nous nous rappelions à la fin du mois de mars.
Très cordialement,
Christophe Bertossi
LOI n° 2007-1631 du 20 novembre 2007 relative à la maîtrise de l’immigration, à l’intégration et à l’asile- Article 1
Après l’article L. 411-7 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, il est inséré un article L. 411-8 ainsi rédigé : « Art. L. 411-8. - Pour lui permettre de préparer son intégration républicaine dans la société française, le ressortissant étranger âgé de plus de seize ans et de moins de soixante-cinq ans pour lequel le regroupement familial est sollicité bénéficie, dans son pays de résidence, d’une évaluation de son degré de connaissance de la langue et des valeurs de la République. Si cette évaluation en établit le besoin, l’autorité administrative organise à l’intention de l’étranger, dans son pays de résidence, une formation dont la durée ne peut excéder deux mois, au terme de laquelle il fait l’objet d’une nouvelle évaluation de sa connaissance de la langue et des valeurs de la République. La délivrance du visa est subordonnée à la production d’une attestation de suivi de cette formation. Cette attestation est délivrée immédiatement à l’issue de la formation. Un décret en Conseil d’Etat fixe les conditions d’application de ces dispositions, notamment le délai maximum dans lequel l’évaluation et la formation doivent être proposées à compter du dépôt du dossier complet de la demande de regroupement familial, le contenu de l’évaluation et de la formation, le nombre d’heures minimum que la formation doit compter ainsi que les motifs légitimes pour lesquels l’étranger peut en être dispensé. »
mercredi 30 décembre 2009
Cahier d'Emmaus n°3
… 2010 nous bouscule déjà !
Vous n’êtes pas sans avoir remarqué que certains groupes « se vident »… et cela nous questionne tous. Voici quelques chiffres parlants :
- En cours du jour, sur 264 entrées en formation, 63 dossiers ont été retirés (dont 34 primo arrivants, et en majorité, Soudanais, Bangladeshi, et quelques Afghans).
- En cours du soir, sur 133 entrées en formation, 45 dossiers ont été retirés (essentiellement là aussi des primo arrivants, Soudanais, Bangladeshi).
Il est donc intéressant de noter qu’il s’agit d’un public adressé par notre réseau, un public « de l’urgence » avec des besoins que notre offre habituelle, extensive ne satisfait peut-être pas… ? Votre avis nous intéresse :nous vous proposons de continuer dès maintenant un groupe de réflexion afin d’envisager ensemble, un (ou des) mode(s) de fonctionnement qui tienne(nt) compte des évolutions des besoins des publics accueillis. Nous en arrêterons les modalités très prochainement.
Rose-Marie Ryan
directrice AFB
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Bonsoir,
NB: Les majuscules au sein des mots sont des gutturaux sur lesquels ils faut appuyer. C'est pour faire la différence entre les sons que je n'ai pas mis de majuscules en début de chaque ligne.
Comme il n'y a pas de majuscules et minuscules en Tigrinya cela ne pose pas de problème à la personne qui le lit. Mais chaque ligne correspond à celle du texte français.
Bonne lecture
Amicalement
Ghenette
L’ETRANGER : eti gasha ( ou bien eti ouedi ouetsaii)
mystiraoui Gasha ! Nimen estce que ti fetou ? N’boRa do n’déRa,
n’HafteRa do n’HaouRa ? .
abo, Iébiléï, adé (iébiléï), Hafti ièbiléï, Haoui (iébiléï)
ni èEroukteKa Ke ?
eza kal ezia, tourgouma kisab Hiji aifeltan ïé
haguerka Ke ?
tiHiti aiénéti ourHi kem etirikeb Keman Ifeleten
embaar’kes kunjina ?
n’aï egzher misli Hiza nizelalem itneber entetiKeoun mefeteKoua
ouerki’Re de’a ?
likE kemti niseKatekoum n’egzher ittslouo an n’ourki ïézeïfetou
intaï daa Ika tifetou, ni kali seb zeitemesel gasha ?
« ane zifetouo debena … iti menguedou Hizou zeHalef debena…niou maedo Koinou ziHalef … iti debena masdeneK ziKone debena! »
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Original Message -----
From: Olivier Marboeuf
To: patrick fontana
Sent: Tuesday, December 29, 2009 5:58 PM
Subject: restitution Intégrations
Patrick,
J'espère que tu as passé de bonnes fêtes.
Je sais que c'est un peu la charrue avant les boeufs mais je suis en train de caler des dates de restitution publique des différents projets que nous accompagnons.
Nous montons une série de rencontres (en collaboration notamment avec les Métallos, là pour de vrai !), un peu des mini-colloques autour d'une réflexion sur des actions artistiques dans des cadres socio-éducatifs-sanitaires...
A la date du mardi 25 Mai, nous prévoyons une rencontre "Travailler la langue, inventer la parole". Penses-tu être à même de présenter un rendu de ton travail d'atelier ce soir-là ou est-ce trop court ? Ce serait vraiment super mais cela dépend aussi de tes avancées.
Je ne sais pas sous quelle forme tu imaginais la chose finalement, peut-être plutôt une installation. On peut imaginer quelque chose aussi dans la première pièce de Khiasma. Je ne sais pas, à toi de me dire. Si on ne peut pas à cette date, alors cela repousse à la fin juin car entre on a une exposition.
dis-moi tes impressions.
meilleurs voeux
Olivier
Dans le mot "immigration" passe comme un souffle vivifiant. Le migrant le plus dépouillé de tout peut mettre en contact des différences, qui sont la nourriture la plus vivace des identités. L'intégration", au contraire, est une verticale orgueilleuse qui réclame hautainement la désintégration préalable de ce qui vient vers nous, et donc l'appauvrissement de soi. Tout comme "tolérer les différences" qui se dresse sur ses ergots pour évaluer l'entour et qui ne se défait pas de sa prétention altière. De même le "codéveloppement" ne saurait-il être un prétexte destiné à apaiser d'éventuels comparses économiques afin de pouvoir expulser à objectifs préchiffrés, humilier chez soi en toute quiétude. Le codéveloppement ne vaut que par cette vérité simple : nous sommes sur la même yole. C'est la barque ouverte. Personne ne saurait se sauver seul. Aucune société, aucune économie.
Aucune langue n'est, sans le concert des autres. Aucune culture, aucune civilisation n'atteint à plénitude sans relation aux autres.
Edouard Glissant, Patrick Chamoiseau, Quand les murs tombent, l'identité nationale hors-la-loi ? (éd Galaade)
En France, l'étranger a été externalisé au crible d'une économie de la "disparition" par assimilation ou intégration.
"L'intégration" dégage une grammaire qui revendique une culture politique au coeur de l'identité nationale. La nationalité apparaît comme l'arcane de ce schéma d'incorporation. Pour être ouverte aux étrangers sédentarisés, il lui faut fonctionner comme un producteur culturel d'appartenances. La médiation nationalitaire n'est pas seulement le chemin par lequel l'étranger devient objectivement citoyen, mais la voie qu'il doit emprunter pour manifester son attachement, son identification aux valeurs partagées par la collectivité nationale.
Christophe Bertossi
Salut Olivier
Je te remercie de ta proposition. Ok pour le 25 mai pour une installation dans la première pièce. On a prévu de tourner début mai.
Le projet Intégration(s) se modifie de fait (Mathias-le danseur- ne peut pas continuer ce qui remet en question le geste en commun) et remet de fait l'utilisation de la vidéo.
Je cherche à mettre en rapport Baudelaire et les migrants à cette injonction politique de mettre l'apprentissage de la langue française au cœur du dispositif d’accueil pour les étrangers. (Loi dite Hortefeux)
Et pour les cahiers d'Emmaus? Sur votre blog me parait le mieux pour moi techniquement parlant.
Walter Benjamin me dévore ou c'est l'inverse....
Bonne fêtes et à bientôt.
Pat
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Chantiers ouverts :
Cette année, j’utilise le tableau ce que je ne faisais pas avant. Je m’aperçois qu’il est un outil très intéressant à plusieurs titres : le premier, le plus évident, c’est que lorsqu’une des personnes lit elle n’a pas la tête baissée sur sa feuille et laisse entrer l’air et fait sortir les sons ! Le deuxième, est la possibilité qui m’offre de mieux expliquer les mots, les découper visuellement en isolant chaque syllabe. Le troisième c’est que j’invite les personnes à venir écrire.
Je commence à bien connaître les difficultés de chacun.
Antoine est passé cet après-midi pour nous apprendre quelques rudiments du langage des signes. Nous travaillons la première phrase du poème de Baudelaire l’Etranger.
L’exercice est révélateur des difficultés de chacun. C’est la même chose pour l’apprentissage des syllabes en français. La précision du geste est importante, pour ne pas dire un mot à la place de l’autre. Je suis surpris par deux personnes en particulier, qui ont de vraies lacunes de lecture qui sont donc plus réservées d’habitude et qui montre une dextérité et une nouvelle énergie pour cet exercice.
Je propose que cette phrase soit l’exercice de base à faire ensemble pour la semaine prochaine.
Après le départ d’Antoine, je donne les traductions en Chinois, en Tamoul et en Turc.
Nous écoutons la lecture de l’Etranger dans ces langues.
Puis nous lisons en français, le poème. La traduction donne une nouvelle impulsion à la lecture. Le sens dans son entier se révèle pour au moins quatre personnes.
La disponibilité du groupe est de plus en plus grande, je vais faire entrer des exercices de chants proprement dits dès la semaine prochaine.
Je viens de trouver un traducteur pour le Vietnamien et je dois acheter une traduction en arabe. Toutes les traductions seront donc disponibles bientôt.
mardi 27 octobre 2009
Cahier d'Emmaus n°2
Les "phosphènes" sont les taches colorées qui persistent en obscurité pendant quelques minutes dan le champ visuel, après fixation d'une source lumineuse.
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C'est très beau ce journal. J'espère pouvoir assister à la présentation de votre travail. Il y a quelque chose d'intempestif dans le fait de relier des choses si disparates et de faire rentrer plusieurs temps dans le fil qui conduit la vie du collectif (dont les mails de tes recherches dans les endroits le plus inattendus de la planète à partir du quartier de la Nation). Bref, il y a comme la création d'une sorte de région qui agit par propagation (tout comme les gestes-paroles que tu décris).
A bientôt,
Josep
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Chantiers ouverts :
Ce mardi, l’ambiance était toujours studieuse. On a repris le poème de Ghérasim Luca « La parole » qui devient un poème à se mettre en bouche pour commencer l’atelier. Je n’ai pas encore expliqué le mot phosphènes mais ça viendra…
L’énergie de ce groupe est incroyable.
J’ai compris qu’ils avaient envie des fois de lire de plus longues phrases qui leurs permettent de faire un point sur leur lecture. Le Sacrifice d’ Andrei Tarkovski s’y prête bien.
On se met ensuite à travailler l’Etranger de Baudelaire. Cette fois en dialogue. Ça marche toujours aussi bien ! Une discussion se fait autour du mot déesse qui n’est pas facile à expliquer devant des personnes aux religions très différentes. J’essaye tant bien que mal de me raccrocher aux grecs et à leurs dieux… pas facile !
Vers la fin de l’atelier je sors les premières traductions de Baudelaire que j’avais sur moi – une en Hébreux, en Bengali et en Hongrois- Je demande à Islam si sur les pages en Bengali il y avait « l’Etranger »? Non, y figure la traduction de « l’invitation au voyage ». Je l’invite à lire en Bengali cette traduction. Le silence se fait et toute l’attention se concentre sur cette langue que personne à part Islam ne connaît. Un moment incroyable où nous écoutons ensemble la musique de cette langue inconnue. La voix d’Islam semble plus claire et douce qu’en français.
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Bonjour Patrick,
J'aurais voulu te voir pour discuter du projet avec toi, mais je serai en coordination cet après-midi et je ne sais pas à quel autre moment te trouver.
Depuis ces dernières semaines nous sommes sur le pied de guerre avec de nouveaux modules de formation à concevoir, et dont il va falloir animer une partie. Ces projets me poussent même à mettre entre parenthèse une partie de l'accompagnement des formateurs qui fait pourtant partie de mes missions ; et il semble qu'ils vont se multiplier dans les mois à venir.
Du coup, je crois que je vais devoir mettre en suspens mon intervention auprès de ton groupe. J'en suis très sincèrement désolé, car j'y trouve un grand intérêt, mais depuis la dernière séance je n'ai pas pu m'y replonger et je ne pense pas pouvoir le faire d'ici la prochaine fois (sauf à la dernière minute et dans le stress, et je n'y tient pas).
Je te remercie de m'avoir offert cette opportunité. Peut-être que nous pourrons de nouveau l'envisager dans d'autres circonstances, ou peut-être pas. En tout cas, je regrette, encore une fois.
Merci de ta compréhension ; on se voit, ou on se croise bientôt.
Bien à toi,
Mathias
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Tout là-haut, tout là-haut, loin de la route sûre,
Des fermes, des vallons, par-delà les coteaux,
Par-delà les forêts, les tapis de verdure,
Loin des derniers gazons foulés par les troupeaux,
On rencontre un lac sombre encaissé dans l’abîme
Que forment quelques pics désolés et neigeux ;
L’eau, nuit et jour, y dort dans un repos sublime,
Et n’interrompt jamais son silence orageux.
Dans ce morne désert, à l’oreille incertaine
Arrivent par moments des bruits faibles et longs,
Et des échos plus morts que la cloche lointaine
D’une vache qui paît aux penchants des vallons.
Sur ces monts où le vent efface tout vestige,
Ces glaciers pailletés qu’allume le soleil,
Sur ces rochers altiers où guette le vertige,
Dans ce lac où le soir mire son teint vermeil,
Sous mes pieds, sur ma tête et partout, le silence,
Le silence qui fait qu’on voudrait se sauver,
Le silence éternel et la montagne immense,
Car l’air est immobile et tout semble rêver.
On dirait que le ciel, en cette solitude,
Se contemple dans l’onde, et que ces monts, là-bas,
Ecoutent, recueillis, dans leur grave attitude,
Un mystère divin que l’homme n’entend pas,
Et lorsque par hasard une nuée errante
Assombrit dans son vol le lac silencieux,
On croirait voir la robe ou l’ombre transparente
D’un esprit qui voyage et passe dans les cieux.
Charles Baudelaire
--------------------------------------------------------------------------------
Bonjour Madame Pissavy-Yvernault
un grand merci pour votre message.
Je suis allé voir le site, malheureusement les traductions ne sont pas celles dont j'ai besoin. Ainsi que le Spleen (il y en a 4 je cherche celui qui commence par "Pluviôse, irrité contre la ville entière).
Je suis à la recherche en particulier de "l'étranger", premier poème très court dans les petits poèmes en prose (Spleen de Paris).
C'est ce poème en premier que je souhaiterais travailler avec les personnes qui sont dans mon atelier.
Peut-être que Doan Van connaîtrait quelqu'un qui serait intéressé de traduire "l'étranger" et participer à ce projet.
Connaissez vous une association vietnamienne que je pourrais contacter sur Paris pour ces traductions?
J'ai envoyé également des mails à des chercheurs à l'INALCO spécialistes du vietnamien. J'attends leurs réponses.
Très cordialement
Patrick Fontana
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Chantiers ouverts :
Dernier atelier avant Noël.
Je propose un poème de Baudelaire en Alexandrins. Je devrais commencer à écrire une méthode pour apprendre le français à partir des exercices que je propose !
Celui-ci est très instructif et donne une rigueur toute nouvelle pour énoncer les syllabes une à une en comptant jusqu’à 12 ! Dans un silence très studieux qui me touche à chaque fois, je sens le groupe très intéressé et toujours aussi curieux de voir où je l’emmène cette fois. Ici l’aventure est balisée par le rythme du poème. A partir de cette lecture individuelle à la recherche des 12 syllabes, des deux hémistiches et de la métrique de chaque vers, se révèle une foule de détails concernant la prononciation de chacun, où il en est, ce qu’il a bien assimilé, ce qui lui reste à découvrir des complexités de la langue française.
J’en profite pour pointer les endroits qu’on va travailler plus particulièrement. Le vocabulaire du poème lui-même avec ses rimes éclaire également d’une autre façon les syllabes.
On laisse tomber Baudelaire, qu’on reprendra en janvier.
Je ressors un des tous premiers poèmes qu’on a travaillé ensemble, un poème de Prévert, « cet amour ». Et là on se lâche, on s’amuse à arpenter le poème mais cette fois-ci en travaillant le rythme, ne pas lâcher le rythme même si les syllabes ne sont pas toutes justes.
Tremblant de peur comme un enfant dans le noir
Comme un homme tranquille au milieu de la nuit
Je choisi ces deux phrases dans le poème et je leur lance un rythme qu’ils doivent reproduire. Ce rythme s’affine avec la durée, se déplace, s’accélère. On expulse le rythme, on joue avec les sonorités, on rit beaucoup. J’en rajoute, je leur propose d’essayer de changer le volume de la voix, du plus bas au plus fort : je commence à entendre des voix nouvelles qui prennent de la force, de l’assurance. Je pousse l’exercice vers l’interprétation en proposant une tonalité : la violence et la colère pour faire ressortir la noirceur de « cet amour ».
Je les surprends en leur montrant qu’on peut jouer sur l’élasticité des mots et des sonorités et que chacun peut s’en emparer.
On se dit à bientôt, on remet en place les tables.
En janvier, Antoine viendra nous apprendre la première phrase de « l’étranger » de Baudelaire en langage des signes. D’ici là je dois repenser le dispositif pour les enregistrements.
C'est très beau ce journal. J'espère pouvoir assister à la présentation de votre travail. Il y a quelque chose d'intempestif dans le fait de relier des choses si disparates et de faire rentrer plusieurs temps dans le fil qui conduit la vie du collectif (dont les mails de tes recherches dans les endroits le plus inattendus de la planète à partir du quartier de la Nation). Bref, il y a comme la création d'une sorte de région qui agit par propagation (tout comme les gestes-paroles que tu décris).
A bientôt,
Josep
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Chantiers ouverts :
Ce mardi, l’ambiance était toujours studieuse. On a repris le poème de Ghérasim Luca « La parole » qui devient un poème à se mettre en bouche pour commencer l’atelier. Je n’ai pas encore expliqué le mot phosphènes mais ça viendra…
L’énergie de ce groupe est incroyable.
J’ai compris qu’ils avaient envie des fois de lire de plus longues phrases qui leurs permettent de faire un point sur leur lecture. Le Sacrifice d’ Andrei Tarkovski s’y prête bien.
On se met ensuite à travailler l’Etranger de Baudelaire. Cette fois en dialogue. Ça marche toujours aussi bien ! Une discussion se fait autour du mot déesse qui n’est pas facile à expliquer devant des personnes aux religions très différentes. J’essaye tant bien que mal de me raccrocher aux grecs et à leurs dieux… pas facile !
Vers la fin de l’atelier je sors les premières traductions de Baudelaire que j’avais sur moi – une en Hébreux, en Bengali et en Hongrois- Je demande à Islam si sur les pages en Bengali il y avait « l’Etranger »? Non, y figure la traduction de « l’invitation au voyage ». Je l’invite à lire en Bengali cette traduction. Le silence se fait et toute l’attention se concentre sur cette langue que personne à part Islam ne connaît. Un moment incroyable où nous écoutons ensemble la musique de cette langue inconnue. La voix d’Islam semble plus claire et douce qu’en français.
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Bonjour Patrick,
J'aurais voulu te voir pour discuter du projet avec toi, mais je serai en coordination cet après-midi et je ne sais pas à quel autre moment te trouver.
Depuis ces dernières semaines nous sommes sur le pied de guerre avec de nouveaux modules de formation à concevoir, et dont il va falloir animer une partie. Ces projets me poussent même à mettre entre parenthèse une partie de l'accompagnement des formateurs qui fait pourtant partie de mes missions ; et il semble qu'ils vont se multiplier dans les mois à venir.
Du coup, je crois que je vais devoir mettre en suspens mon intervention auprès de ton groupe. J'en suis très sincèrement désolé, car j'y trouve un grand intérêt, mais depuis la dernière séance je n'ai pas pu m'y replonger et je ne pense pas pouvoir le faire d'ici la prochaine fois (sauf à la dernière minute et dans le stress, et je n'y tient pas).
Je te remercie de m'avoir offert cette opportunité. Peut-être que nous pourrons de nouveau l'envisager dans d'autres circonstances, ou peut-être pas. En tout cas, je regrette, encore une fois.
Merci de ta compréhension ; on se voit, ou on se croise bientôt.
Bien à toi,
Mathias
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Tout là-haut, tout là-haut, loin de la route sûre,
Des fermes, des vallons, par-delà les coteaux,
Par-delà les forêts, les tapis de verdure,
Loin des derniers gazons foulés par les troupeaux,
On rencontre un lac sombre encaissé dans l’abîme
Que forment quelques pics désolés et neigeux ;
L’eau, nuit et jour, y dort dans un repos sublime,
Et n’interrompt jamais son silence orageux.
Dans ce morne désert, à l’oreille incertaine
Arrivent par moments des bruits faibles et longs,
Et des échos plus morts que la cloche lointaine
D’une vache qui paît aux penchants des vallons.
Sur ces monts où le vent efface tout vestige,
Ces glaciers pailletés qu’allume le soleil,
Sur ces rochers altiers où guette le vertige,
Dans ce lac où le soir mire son teint vermeil,
Sous mes pieds, sur ma tête et partout, le silence,
Le silence qui fait qu’on voudrait se sauver,
Le silence éternel et la montagne immense,
Car l’air est immobile et tout semble rêver.
On dirait que le ciel, en cette solitude,
Se contemple dans l’onde, et que ces monts, là-bas,
Ecoutent, recueillis, dans leur grave attitude,
Un mystère divin que l’homme n’entend pas,
Et lorsque par hasard une nuée errante
Assombrit dans son vol le lac silencieux,
On croirait voir la robe ou l’ombre transparente
D’un esprit qui voyage et passe dans les cieux.
Charles Baudelaire
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Bonjour Madame Pissavy-Yvernault
un grand merci pour votre message.
Je suis allé voir le site, malheureusement les traductions ne sont pas celles dont j'ai besoin. Ainsi que le Spleen (il y en a 4 je cherche celui qui commence par "Pluviôse, irrité contre la ville entière).
Je suis à la recherche en particulier de "l'étranger", premier poème très court dans les petits poèmes en prose (Spleen de Paris).
C'est ce poème en premier que je souhaiterais travailler avec les personnes qui sont dans mon atelier.
Peut-être que Doan Van connaîtrait quelqu'un qui serait intéressé de traduire "l'étranger" et participer à ce projet.
Connaissez vous une association vietnamienne que je pourrais contacter sur Paris pour ces traductions?
J'ai envoyé également des mails à des chercheurs à l'INALCO spécialistes du vietnamien. J'attends leurs réponses.
Très cordialement
Patrick Fontana
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Chantiers ouverts :
Dernier atelier avant Noël.
Je propose un poème de Baudelaire en Alexandrins. Je devrais commencer à écrire une méthode pour apprendre le français à partir des exercices que je propose !
Celui-ci est très instructif et donne une rigueur toute nouvelle pour énoncer les syllabes une à une en comptant jusqu’à 12 ! Dans un silence très studieux qui me touche à chaque fois, je sens le groupe très intéressé et toujours aussi curieux de voir où je l’emmène cette fois. Ici l’aventure est balisée par le rythme du poème. A partir de cette lecture individuelle à la recherche des 12 syllabes, des deux hémistiches et de la métrique de chaque vers, se révèle une foule de détails concernant la prononciation de chacun, où il en est, ce qu’il a bien assimilé, ce qui lui reste à découvrir des complexités de la langue française.
J’en profite pour pointer les endroits qu’on va travailler plus particulièrement. Le vocabulaire du poème lui-même avec ses rimes éclaire également d’une autre façon les syllabes.
On laisse tomber Baudelaire, qu’on reprendra en janvier.
Je ressors un des tous premiers poèmes qu’on a travaillé ensemble, un poème de Prévert, « cet amour ». Et là on se lâche, on s’amuse à arpenter le poème mais cette fois-ci en travaillant le rythme, ne pas lâcher le rythme même si les syllabes ne sont pas toutes justes.
Tremblant de peur comme un enfant dans le noir
Comme un homme tranquille au milieu de la nuit
Je choisi ces deux phrases dans le poème et je leur lance un rythme qu’ils doivent reproduire. Ce rythme s’affine avec la durée, se déplace, s’accélère. On expulse le rythme, on joue avec les sonorités, on rit beaucoup. J’en rajoute, je leur propose d’essayer de changer le volume de la voix, du plus bas au plus fort : je commence à entendre des voix nouvelles qui prennent de la force, de l’assurance. Je pousse l’exercice vers l’interprétation en proposant une tonalité : la violence et la colère pour faire ressortir la noirceur de « cet amour ».
Je les surprends en leur montrant qu’on peut jouer sur l’élasticité des mots et des sonorités et que chacun peut s’en emparer.
On se dit à bientôt, on remet en place les tables.
En janvier, Antoine viendra nous apprendre la première phrase de « l’étranger » de Baudelaire en langage des signes. D’ici là je dois repenser le dispositif pour les enregistrements.
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